Par Isabelle Pénin Coach coparentale à Montréal
Troisième article d'une série de 9 sur les biais cognitifs en coparentalité
Avez-vous déjà remarqué comment une seule tache sur un chandail blanc attire immédiatement votre regard, éclipsant complètement la surface immaculée qui l'entoure ? Ce phénomène illustre parfaitement le biais de négativité, un mécanisme cérébral qui nous pousse à accorder une importance démesurée aux expériences négatives, particulièrement dans le contexte délicat de la coparentalité.
Un héritage ancestral à double tranchant

Ce biais n'est pas un défaut de fabrication de notre cerveau. Au contraire, il a joué un rôle crucial dans la survie de notre espèce : pour nos ancêtres, ignorer un danger potentiel comme un la proximité d'un prédateur pouvait être fatal, alors que manquer un buisson de baie n'était qu'un inconvénient mineur. Aujourd'hui, bien que nous ne fassions plus face aux mêmes menaces, ce mécanisme continue d'influencer profondément nos relations, notamment dans le contexte complexe de la coparentalité.
Le piège de la généralisation
Dans ma pratique à Montréal, j'accompagne régulièrement des parents qui illustrent parfaitement ce phénomène. Prenons l'exemple de Marc et Julie (noms fictifs), parents de deux enfants. Lors d'une séance, Julie a partagé son analyse des communications avec Marc sur le dernier mois : sur plus de quarante messages échangés concernant les enfants, seulement trois avaient été source de tension. Pourtant, ces trois interactions négatives occupaient l'essentiel de ses pensées, l'amenant à affirmer : «La communication est impossible avec lui. »
Cette situation a pris une tournure révélatrice lorsque leur fille de 11 ans a spontanément commenté : « C'est drôle, quand je suis chez maman, elle dit que papa gère bien l'école et les activités, mais dès qu'il y a un pépin, on dirait qu'elle oublie tout ça. » Cette observation, d'une justesse remarquable, met en lumière comment le biais de négativité peut déformer notre perception de l'autre parent.
L'effet domino sur les enfants
Les enfants de parents séparés développent souvent une sensibilité accrue aux dynamiques relationnelles. Quand le biais de négativité domine les interactions parentales, ils peuvent devoir se transformer en médiateurs improvisés, un rôle qui ne devrait jamais leur incomber. Ils apprennent à décoder les tensions, à anticiper les conflits, parfois même à les prévenir, au détriment de leur propre développement émotionnel.
Une approche novatrice : l'archéologie positive
En tant que coach coparental, j'utilise une approche que j'appelle « l'archéologie positive ». Il s'agit d'un travail minutieux qui consiste à identifier et mettre en valeur les moments de collaboration réussis, aussi modestes soient-ils. Cette démarche s'appuie sur un principe fondamental en psychologie positive : le ratio d'or.

Ce ratio stipule qu'il faut environ cinq interactions positives pour contrebalancer l'impact d'une interaction négative. Cette donnée change radicalement la perspective : plutôt que de simplement éviter les conflits, l'objectif devient de construire activement un réservoir d'interactions positives. Par exemple, prendre l'habitude de souligner les bons coups de l'autre parent, partager les réussites des enfants, ou simplement maintenir une communication courtoise et efficace sur les aspects pratiques.
Vers une coparentalité conscientisée
La transformation d'une dynamique coparentale négative commence par la prise de conscience de ce biais. Une façon efficace de le contrer est de tenir un journal des interactions positives. Cette pratique permet non seulement de rééquilibrer notre perception, mais aussi de construire progressivement une nouvelle narration de la relation coparentale.
La coparentalité n'est pas une compétition pour déterminer qui a raison ou tort, mais une opportunité de créer un environnement stable et positif pour les enfants. Chaque interaction positive, aussi minime soit-elle, contribue à construire ce nouvel équilibre.
En tant que coach coparental, mon rôle est d'accompagner les parents dans cette démarche de transformation, en les aidant à reconnaître et à dépasser leurs biais cognitifs pour établir une collaboration plus constructive, centrée sur le bien-être de leurs enfants.
*Pour en savoir plus sur le coaching coparental et les outils pour améliorer votre relation coparentale, n'hésitez pas à me contacter.* Dans notre prochain article, nous explorons l'effet de halo, ce phénomène qui nous pousse à généraliser un trait particulier à l'ensemble de la personnalité de notre ex.
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