top of page
Rechercher

#7 Le biais de disponibilité en coparentalité : Quand l'émotion prend toute la place

Par Isabelle Pénin, Coach coparentale à Montréal

Septième article d'une série de 9 sur les biais cognitifs en coparentalité



Notre mémoire, ce scénariste dramatique.


Avez-vous déjà eu l'impression que les conducteurs irresponsables sont partout sur la route, simplement parce qu'un véhicule vous a coupé la priorité ce matin ? Ou que les nouvelles ne parlent que de catastrophes, occultant tout ce qui se passe de positif dans le monde ? C'est un effet du biais de disponibilité : notre cerveau accorde plus de poids aux événements récents, marquants ou émotionnellement chargés. Il en va de même en coparentalité : un conflit récent prend toute la place, tandis que les moments de calme et de collaboration passent inaperçus.


Pourquoi les tensions prennent toute la place ?


Notre cerveau ne retient pas tous les événements de la même manière. Les moments marquants, et en particulier les situations conflictuelles, laissent une empreinte durable en mémoire. En coparentalité, cela signifie que les parents tendent à se souvenir des conflits plutôt que des instants de coopération.

Par exemple, une dispute autour de l'organisation des vacances ou un retard imprévu peut devenir la seule référence pour juger de la relation. Chaque fois qu'un parent repense à son ex-conjoint, ce souvenir refait surface, renforçant l'idée qu'’« il ne fait jamais d'efforts » ou qu'’« elle ne respecte jamais les accords ». Plus ces souvenirs sont répétés, mentalement ou dans les discussions avec l'entourage, plus ils prennent de place et faussent la perception globale de la relation coparentale.


3. L'impact sur les enfants : une perception biaisée et ses conséquences


Les enfants perçoivent très finement les tensions entre leurs parents. Lorsqu'un parent est enfermé dans une perception négative constante de l'autre, cela peut impacter l'enfant de plusieurs manières :


  • Un regard biaisé sur l'autre parent et une mémoire sélective influencée : L'enfant, exposé aux récits récurrents et négatifs d'un des parents sur l'autre, peut intégrer cette vision déformée . Il risque de ne plus voir les efforts ou les moments positifs avec l'autre parent, ce qui peut fragiliser leur lien. Par exemple, un enfant qui entend régulièrement : « Ton père est toujours en retard, il ne respecte jamais rien ! » peut finir par intérioriser cette idée, même si en réalité, il y a eu beaucoup de fois où ce parent était à l'heure.

    Il peut lui-même développer une mémoire sélective qui ne retient que les moments de conflit. Il pourrait alors ressentir une insécurité excessive face aux échanges entre ses parents, anticipant toujours une dispute, même quand ce n'est pas le cas.


  • Une difficulté à nuancer les relations et des réactions excessives à l'avenir : Si l'enfant est constamment exposé à des discours figés, où un parent est décrit uniquement en termes négatifs, il peut avoir du mal à développer une pensée nuancée . Il pourrait alors avoir une vision binaire et rigide des relations humaines , croyant que les gens sont soit bons, soit mauvais, sans entre-deux. Cette rigidité peut se refléter dans ses propres interactions sociales plus tard notamment en  réagissant de manière disproportionnée à des erreurs ponctuelles commises par ses amis, enseignants ou futurs partenaires, en leur attribution des intentions négatives systématiques.


  • Une résistance à l'apaisement des relations : Lorsque le biais de disponibilité est fortement ancré, il peut rendre l'enfant moins réceptif aux tentatives d'amélioration de la relation entre ses parents. S'il a trop souvent entendu dire que « ça ne s'arrangera jamais », il peut rejeter tout signe d'apaisement et résister aux efforts de rapprochement, ce qui complique la dynamique familiale.


4. Déjouer le piège des souvenirs trompeurs


Dans mon travail de coach coparentale, j'accompagne les parents dans la remise en question de ces biais cognitifs. Voici deux approches clés :

1. L'exercice de la balance des faits

Je propose aux parents de dresser une liste d'interactions récentes : trois positives, trois neutres et trois négatives. Cet exercice révèle souvent que les conflits sont minoritaires par rapport aux échanges neutres ou positifs. Il permet de redonner une place plus juste à chaque événement et d'atténuer la charge émotionnelle associée aux tensions.

2. La reformulation constructive : un outil issu de la médiation appliqué au coaching

Lors de mes années en tant que médiatrice familiale, j'ai souvent utilisé la reformulation constructive pour aider les parents à voir les situations sous un angle plus nuancé. Aujourd'hui, dans mon travail de coach coparentale, j'ai adapté cet outil pour permettre aux parents d'assouplir leur perception des interactions avec l'autre.

Il ne s'agit pas simplement de répéter ce que l'autre dit, mais d'apporter un regard nouveau sur la situation. Par exemple, au lieu de "il est toujours en retard", reformuler en "il lui arrive d'être en retard, mais il fait des efforts" permet d'apaiser les tensions et de remettre en perspective les améliorations réelles. Cet ajustement dans la manière de voir les événements aide à sortir du piège du biais de disponibilité et à instaurer une dynamique plus constructive.




Conclusion : Faire de la place aux moments moins marquants


Le biais de disponibilité est un réflexe naturel du cerveau, mais il peut être dépassé avec un peu d'entraînement. Reconnaître que notre mémoire ne restitue pas une image fidèle de la réalité permet d'adopter une posture plus ouverte et constructive.

Il ne s'agit pas de nier les difficultés, mais de ne pas les laisser définir l'intégralité de la relation coparentale. En réajustant notre manière de voir les événements, nous ouvrons la voie à une coopération plus sereine, bénéfique pour les parents comme pour les enfants.

Dans notre prochain article, nous explorerons l’illusion de contrôle et la manière dont elle façonne les décisions en coparentalité, parfois en donnant l'impression erronée de pouvoir tout maîtriser.


Lors du prochain article nous aborderons le biais d'illusion de contrôle fréquemment a l'œuvre quand la confiance parentale n'est pas établie.

 
 
 

Comments


2024 crée par Isabelle Pénin Cabinet Esprit de Famille avec WIX.com       

Logo Fanny Poussier et Patrice Aubry

Crédit photos Isabelle Pénin

bottom of page