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#8 L'illusion de contrôle en coparentalité : une quête vouée à l'épuisement

Par Isabelle Pénin, Coach coparentale à Montréal

Huitième article d'une série de 9 sur les biais cognitifs en coparentalité





Vous êtes-vous déjà surpris à appuyer plus fort sur le bouton de l'ascenseur en pensant qu'il arrivera plus vite ? Ou à souffler sur des dés avant de les lancer, convaincu que cela influencerait le résultat ? Ces petits gestes anodins illustrent un biais bien ancré en nous : l'illusion de contrôle. Ce biais cognitif nous pousse à croire que nous avons plus d'influence sur les événements que nous ne le pensons réellement.

En coparentalité, cette illusion peut se manifester de manière bien plus impactante. Elle amène certains parents à croire qu'en organisant tout avec précision, en anticipant chaque émotion de leur enfant ou en dictant les modalités de la garde, ils pourront garantir une cohabitation harmonieuse avec leur ex-conjoint. Mais la réalité les rattrape rapidement : les émotions, les imprévus et l'indépendance de chacun rendent toute tentative de contrôle total, illusoire.


Pourquoi avons-nous tant besoin de tout maîtriser ?


L'illusion de contrôle n'est pas qu'un simple penchant pour l'organisation. Elle traduit souvent un besoin profond de sécurité, une peur du chaos, voire une volonté sincère de bien faire. Face à l'incertitude, nous nous accrochons à ce que nous croyons pouvoir influencer.

Tout le monde est-il sujet à ce biais ? Oui, à des degrés divers. Certains y sont plus sensibles en raison de leur histoire personnelle ou de leur tolérance au lâcher-prise. D'autres le développent en réaction à un sentiment de vulnérabilité après une séparation.


Quand la coparentalité devient un champ de bataille invisible


Prenons l’exemple de Marie et Thomas, parents d'un petit Jules de 7 ans. Depuis leur séparation, Marie tente de structurer leur nouvelle organisation avec une précision quasi-militaire :

  • Un calendrier détaillé avec horaires fixes pour la garde.

  • Des recommandations précises sur les repas et le suivi des devoirs.

  • Un cadre d’activités strictement défini pour Jules, censé assurer son équilibre.

Elle est persuadée que tout ce cadre lui permettra d’éviter les conflits et d'assurer une continuité pour son fils.

De son côté, Thomas fonctionne différemment. Il privilégie la spontanéité et estime que les moments partagés avec Jules ne doivent pas être régis par des consignes trop rigides. Il décide à la dernière minute d’emmener son fils manger une pizza au lieu du repas équilibré prévu par Marie. Il le laisse veiller un peu plus tard, parce qu'il prolonge un moment de partage devant un film d'animation. Marie s’agace, rappelle les règles et tente d’imposer son cadre. Résultat : frustration pour tout le monde, tensions croissantes et un Jules qui, lui, subit ces conflits sans avoir son mot à dire.





L'impact sur l'enfant : un poids bien trop lourd à porter


L’enfant n’est pas seulement témoin des tensions entre ses parents, il en ressent pleinement les effets.

Lorsqu’un parent cherche à trop maîtriser le cadre familial, l’enfant peut développer une pression intérieure immense.

Prenons Jules : voyant ses parents s'affronter, il tente de satisfaire les exigences de chacun en adoptant des comportements adaptés à chaque maison. Chez sa mère, il devient un enfant appliqué et respectueux des règles. Chez son père, il se détend et adopte une attitude plus relâchée. Cette gymnastique constante peut l’épuiser mentalement et lui donner l’impression qu’il doit jouer un rôle pour maintenir l’équilibre familial.

À terme, cette situation peut générer de l'anxiété, une difficulté à s’affirmer, voire un sentiment de culpabilité : Jules pourrait se convaincre qu’il est la source des tensions et chercher inconsciemment à « réparer » la situation en étant irréprochable.

D’autres enfants, au contraire, réagiront par une forme de rejet. Lassés des conflits, ils choisiront de s’éloigner émotionnellement, voire de défier l’autorité parentale pour reprendre un semblant de contrôle sur leur propre vie.


Lever le pied : quand relâcher le contrôle, c’est renforcer la coparentalité

Le coaching coparental n’a pas pour vocation de déterminer qui a raison ou tort, ni de valider une manière d’être parent au détriment d’une autre. Il vise à aider chacun à reconnaître ce qui se joue en soi – peurs, espoirs, besoins – et à faire émerger des points d’appui concrets pour sortir des impasses relationnelles. Concernant l’illusion de contrôle, deux leviers peuvent s’avérer particulièrement pertinents pour apaiser la dynamique familiale.

1. Reconstruire la confiance en les compétences parentales de l’autre

Après une séparation, il n’est pas rare que la confiance s’effrite. L’histoire de couple, les désaccords passés ou les styles éducatifs divergents peuvent alimenter un doute profond : « Est-ce que l’autre saura faire ? Est-ce qu’il ou elle va prendre soin de notre enfant comme je le ferais ? »

Ce doute peut devenir envahissant. Le coaching propose alors un espace pour le verbaliser, sans jugement. Il ne s’agit pas de forcer une confiance immédiate, mais de la reconstruire à partir de faits, d’observations concrètes et de mises en récit. En revisitant ce que l’on sait de l’autre comme parent (et non comme ex-conjoint), en reconnaissant les gestes justes ou les intentions bienveillantes, il devient possible de réhabiliter sa place dans le parcours éducatif commun.

Ce travail, souvent discret mais fondamental, permet d’ouvrir la voie à une coopération plus souple, dans laquelle le contrôle cède progressivement la place à une forme de reconnaissance mutuelle.

2. Co-définir ce qui peut être différent d’une maison à l’autre

Une autre piste essentielle consiste à clarifier ensemble ce qui peut différer sans nuire à l’enfant. Car non, tout n’a pas besoin d’être identique chez maman et chez papa. L’enjeu est de distinguer ce qui relève de la stabilité nécessaire à l’enfant (repères éducatifs fondamentaux, valeurs communes, règles de sécurité…) de ce qui peut varier librement d’un foyer à l’autre (heures de coucher en fin de semaine, types de repas, habitudes de loisirs…).

Je me suis amusée à créer un outil que j'appelle la carte des différenciations acceptables. Concrètement, les deux parents prennent un temps pour identifier, à partir de leur réalité quotidienne, les éléments sur lesquels il est important d’être alignés, et ceux où chacun peut faire à sa manière. Ce travail n’élimine pas les divergences, mais les rend plus lisibles et plus supportables, en offrant un cadre clair où le besoin de contrôle s’apaise naturellement.






Conclusion : Une illusion qui dépasse l’organisation du quotidien


L’illusion de contrôle en coparentalité ne se limite pas à la gestion des horaires et des règles de vie de l’enfant. Elle peut aussi concerner la relation avec la famille de l’ex-conjoint, les interactions avec un nouveau partenaire ou encore les décisions éducatives à long terme.

En réduisant ce biais, les parents allègent non seulement leur propre charge mentale, mais permettent aussi à l’enfant d’évoluer dans un cadre plus souple et rassurant. Accepter que tout ne peut être maîtrisé ne signifie pas renoncer à son rôle parental, mais au contraire, lui redonner sa juste place : celle d’un guide, et non d’un chef d’orchestre tentant d’imposer un rythme unique.



Dans notre prochain et dernier article de cette série, nous explorerons le biais d'optimisme et de pessimisme et son impact sur la manière dont les parents perçoivent l'avenir de leur coparentalité.

 
 
 

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Crédit photos Isabelle Pénin

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