Par Isabelle Pénin, Coach coparentale à Montréal
Premier article d'une série de 9 sur les biais cognitifs en coparentalité
Le biais de confirmation, c'est quoi au juste ?
Avez-vous déjà remarqué comme il est facile de trouver des preuves qui confirment ce que l'on pense déjà? C'est fascinant, n'est-ce pas ? Et si je vous disais que notre cerveau est un peu comme un détective partiel qui ne cherche que les indices qui l'arrangent ?
Le biais de confirmation, c'est cette tendance naturelle que nous avons tous à privilégier les informations qui confirment nos croyances préexistantes, tout en ignorant ou minimisant celles qui les contredisent. C'est un peu comme porter des lunettes teintées qui ne nous font voir que ce que nous voulons voir. Pratique... mais pas toujours très objectif ! Dans mon cabinet à Montréal, je constate quotidiennement les effets de ce phénomène sur les relations coparentales, parfois avec des conséquences significatives sur le bien-être des enfants.

Pourquoi notre cerveau fait-il ça ?
Notre cerveau n'est pas malveillant, au contraire ! Il cherche simplement à être efficace. Dans un monde où nous sommes bombardés d'informations, ce biais nous aide à naviguer dans la complexité du quotidien. Face au déluge d'informations que nous recevons chaque jour, notre cerveau a développé cette capacité à filtrer et à organiser les données d'une manière qui nous semble cohérente. Il agit comme un assistant personnel qui trie notre courrier... sauf qu'il jette parfois des lettres importantes !
Cette fonction cognitive nous permet de prendre des décisions rapides et de maintenir une cohérence dans notre vision du monde. Elle nous évite aussi de remettre constamment en question nos croyances, ce qui serait mentalement épuisant. Imaginez devoir réexaminer chacune de vos convictions chaque matin au réveil ! Notre cerveau préfère l'efficacité à l'exhaustivité, et dans bien des situations quotidiennes, cette stratégie fonctionne parfaitement.
Le biais de confirmation chez les parents séparés
Dans le contexte de la coparentalité, ce biais peut devenir particulièrement problématique. Laissez-moi vous partager l'histoire de Marie-Ève* et Jean-Philippe*, un cas qui illustre parfaitement cette dynamique.
Marie-Ève est convaincue que Jean-Philippe est un père négligent. Son esprit a créé une sorte de dossier mental où s'accumulent toutes les "preuves" qui confirment cette conviction. Chaque fois que leur fille revient de chez lui avec un pull taché, c'est noté. Quand la petite raconte avoir mangé du fast-food, c'est un autre point négatif qui s'ajoute au dossier. Les moments où il arrive parfaitement à l'heure ? Les devoirs bien faits ? Les vêtements propres et repassés? Tout ça passe inaperçu ou est attribué au hasard.
De son côté, Jean-Philippe est persuadé que Marie-Ève surprotège leur fille. Son cerveau fonctionne comme un détective privé qui ne cherche que les preuves de cette surprotection. Chaque « non » de sa part à une sortie devient une preuve irréfutable. Les moments où elle encourage leur fille à prendre des risques calculés disparaissent de son radar, comme par magie. Il ne voit plus quand elle inscrit leur fille au football ou l'encourage à faire du vélo sans petites roues.
Ce qui est particulièrement intéressant dans ce cas, c'est que chaque parent a développé une narration cohérente qui renforce ses propres croyances. Ces histoires qu'ils se racontent influencent non seulement leur perception de l'autre, mais aussi leurs interactions quotidiennes et, par ricochet, le bien-être de leur enfant.

Les mécanismes du biais en coparentalité
Le premier mécanisme que j'observe régulièrement dans mon cabinet est celui de l'accumulation sélective. Les parents deviennent des collectionneurs assidus, mais uniquement des moments qui confirment leurs soupçons. C'est comme s'ils tenaient un journal partiel où seules certaines pages étaient écrites.
Un autre phénomène fréquent est celui de l'interprétation biaisée. Même les actions les plus neutres ou positives de l'autre parent sont systématiquement teintées de négativité. Un retard de cinq minutes devient une preuve d’irresponsabilité chronique. Un cadeau généreux est interprété comme une tentative de manipulation.
Plus subtilement encore, nous observons souvent une prophétie autoréalisatrice. À force de ne voir que le négatif, les parents créent inconsciemment des situations de tension qui finissent par « confirmer » leurs craintes initiales. C'est un cercle vicieux particulièrement difficile à briser sans aide extérieure.
Vers une coparentalité plus équilibrée
La bonne nouvelle, c'est qu'il existe des moyens concrets de sortir de ces schémas de pensée limitants. La première étape consiste à pratiquer ce que j'appelle
le "doute constructif". Il s'agit de s'entraîner à questionner ses propres certitudes avec bienveillance. Lorsqu'une situation déclenche une réaction négative automatique, prenez un moment pour vous demander : "Et si je me trompais ? Quelle autre interprétation serait possible ?"

Un autre outil puissant est la tenue d'un journal objectif. Contrairement à notre mémoire sélective, un journal nous force à documenter l'ensemble des interactions coparentales. J'encourage mes clients à noter aussi bien les aspects positifs que négatifs de leurs interactions. Cet exercice révèle souvent des surprises : la réalité est rarement aussi sombre que nos perceptions le suggèrent.
Une pratique particulièrement efficace est ce que j'appelle la "règle des trois positifs". Pour chaque élément négatif que vous remarquez chez l'autre parent, obligez-vous à identifier trois éléments positifs. Au début, cela peut sembler artificiel, voire impossible. Mais avec de la pratique, cela devient une habitude qui transforme profondément notre perception de l'autre.
L'apport du coaching coparental
En tant que coach coparental, mon rôle va bien au-delà de la simple écoute. Je deviens ce miroir bienveillant qui aide les parents à identifier leurs schémas de pensée automatiques. À travers des exercices pratiques et des discussions guidées, nous travaillons ensemble à élargir les perspectives et à construire une vision plus équilibrée de la situation coparentale.
Le coaching permet également d'explorer les origines de ces biais. Souvent, les convictions négatives sur l'autre parent sont enracinées dans des expériences passées ou des blessures non guéries. En comprenant ces sources, il devient plus facile de les dépasser et de construire une nouvelle dynamique plus saine. Une bonne introspection guidée en séance individuelle est souvent suffisante, cependant il arrive que l'ancrage de ces biais soit si entremêlé que je réfère le parent à un collègue thérapeute pour avancer sur ces questions en solo.
En conclusion
Le biais de confirmation en coparentalité, c'est un peu comme avoir un GPS mental mal programmé : il nous fait toujours prendre les mêmes itinéraires, même quand il existe des chemins plus directs et plus agréables. Mais la bonne nouvelle, c'est qu'avec de la conscience, de la pratique et un accompagnement adapté, on peut le reprogrammer !
Prendre conscience de ce biais, c'est déjà faire un grand pas vers une relation plus équilibrée et plus sereine. C'est ouvrir la porte à une collaboration qui profite avant tout à vos enfants. Car au final, n'est-ce pas là notre objectif commun ? Offrir à nos enfants un environnement familial serein, même si celui-ci s'étend désormais sur deux foyers.
Dans notre prochain article, nous explorerons le biais d'attribution, un autre défi fascinant de notre cerveau en situation de coparentalité. Nous verrons comment la façon dont nous expliquons nos succès et nos échecs peut influencer profondément notre relation coparentale.
*Bien sûr, les noms ont été modifiés pour protéger leur vie privée.

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